De l’art moderne à l’art contemporain, il y a eu une évolution notable dans l’usage de l’œuf dans la peinture, en devenant un matériau qui offre une multitude de significations et de possibilités créatives pour les artistes.
L’œuf, largement représenté dans l’art comme dans la littérature, domine les œuvres présentées dans une exposition-vente caritative intitulée «Œuforique» dont le vernissage a eu lieu ce samedi 27 janvier, à la Librairie Culturel Gammarth. Placée sous le commissariat d’Amira Zili, l’exposition « Oeuforique » se poursuivra jusqu’au 11 février prochain, tous les jours de 9h00 à 19h30. La totalité des recettes des ventes de cette exposition sera reversée à l’Association tunisienne des villages d’enfants SOS, partenaire de la Librairie Culturel de Gammarth. Plus de 100 œufs sont imaginés par 108 artistes qui exposent dans cet espace habituellement réservé à l’univers livresque créant ainsi un dialogue original entre les mots, les formes et les couleurs.
Sous les notes d’un groupe de musiciens, des artistes-plasticiens et des amoureux de l’art se sont rassemblés pour célébrer l’art et la littérature autour d’œuvres inédites. Les 108 artistes participants ont donné libre cours à leur imagination dans des œuvres créatives sur des œufs peints ou décorés à travers des techniques et des couleurs assez variées qui traduisent leurs univers, entre arts visuels, mode, design et photographie. Le format adopté pour ces œuvres d’art est celui d’un œuf en bois massif plein de 30 cm de hauteur et de 20 cm de largeur. Chaque artiste a traduit le résumé de sa peinture et chaque œuvre exposée reflète la touche et le style de celui qui l’a imaginée et réalisée.
Présentant son œuvre intitulée «Energie spirituelle », l’artiste-plasticienne engagée dans la lutte pour l’environnement à travers l’art, Aida Kchaou a déclaré: «Ma démarche artistique vise à révéler l’éclat de la verrerie romaine à travers l’œuf en bois. En superposant délicatement les couches transparentes, j‘aspire à capturer la finesse et la richesse de cette ancienne technique artisanale, ramenant ainsi à la vie l’éclat scintillant de l’art verrier romain».
Les œuvres de certains artistes sont reconnaissables tels que le grand plasticien Ali Zenaidi qui participe avec «un œuf qui représente des scènes de la vie, de la fécondité, de l’amour, du couple». Dans cette œuvre baptisée «Pax-Materna», le plasticien fait allusion à «la maternité qui aspire à la paix. Elle est liée à la mère et la continuité du genre». Chez Zenaidi, la représentation du corps humain est haute en couleur avec «un brin de bonheur et d’espoir».
Ali Zenaidi évoque une exposition «très personnifiée et authentique composée par une centaine d’œufs peintes à la main» et «une grande manifestation qui pourra se poursuivre en vue de contribuer à sauver l’enfance tunisienne, en travaillant chaque mois sur un nouveau thème».
Le catalogue de l’exposition (vendu à 25 dinars la copie) présente la collection d’œuvres à travers de belles images prises par le photographe Christian Michelucci, accompagnées d’une courte légende indiquant le titre de l’œuvre, la technique utilisée et les dimensions.
Dans cette exposition, l’œuf, ce petit élément aussi magique et merveilleux, est porteur de tant de symboliques et nous renvoie vers les croyances et les idéologies chez les civilisations successives. La fascination de l’être humain pour l’œuf traverse les temps et les espaces. Depuis la préhistoire et l’antiquité jusqu’à nos jours, ce corps vivant a toujours été au cœur de la création artistique : on le retrouve dans des fresques antiques mais aussi dans la peinture à l’œuf, de la Renaissance et jusqu’à notre époque.
Au-delà de son caractère éphémère en tant que produit alimentaire, l’œuf avec sa géométrie parfaite et sa blancheur éclatante demeure un sujet assez prisé par les artistes plasticiens. Cet espace clos est dominé par une multitude de sens et offre d’immenses possibilités pour s’exprimer et étaler sa palette de couleurs dans un univers plein de contradictions.
Les œuvres des plasticiens valsent entre un optimisme contagieux et un pessimisme assez lourd, révélateurs de la nuance et la sensibilité habitant l’âme de chacun d’entre eux. L’œuf se métamorphose et se libère de sa coquille pour toucher de lointains espaces et diverses thématiques. L’artiste trouve toute son inspiration dans cet œuf qui le ramène vers ses débuts quand il était encore embryon noyé dans une sorte d’œuf qui est à l’origine de la vie.
Présentées dans une esthétique fascinante, ces œuvres questionnent le monde dans lequel nous vivons. Elles jettent un regard critique sur la vie, l’amour, la mort et l’infinité à travers leurs formes et leur transformation parfois inattendue qui invite à la méditation et à l’évasion.
